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Les sanctions pécuniaires sont-elles autorisées ?

 

Afin lutter contre l’épidémie du Covid-19, des mesures d’urgence ont été mises en place, telles que le chômage partiel, l’arrêt de travail, l’absence de jour de carence pour arrêts maladie Covid ou encore des aides aux entreprises. Malgré l’ensemble des mesures, certaines difficultés sont apparues dans les entreprises ayant pour conséquence parfois la baisse de rémunérations, la renonciation aux primes ou encore tout simplement des sanctions pécuniaires. L’employeur est-il en mesure de les pratiquer ? 

 

L’article L 1321-2 du Code de travail prévoit que « Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite. ».

 

En effet, il est strictement interdit à l’employeur de pratiquer les sanctions pécuniaires. La prohibition des sanctions pécuniaires a un caractère d’ordre public auquel aucune disposition du contrat de travail ne peut faire échec.

 

Cette interdiction s’applique à tous les éléments de salaire, mais il est parfois difficile de distinguer ce qui est licite et ce qui ne l’est pas. C’est la jurisprudence qui permet de fixer cas par cas ce qui est permis et ce qui est interdit. Ainsi, il est interdit de réduire ou supprimer la prime de fin d’année pour les retards répétés par exemple ou encore supprimer un avantage en nature, comme le retrait du véhicule. L’avantage en nature est un élément de rémunération, soumis aux cotisations sociales et devant être déclaré à l’administration fiscale.

 

La loi n° 2021‑689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire a permis aux employeurs de suspendre le contrat de travail sans rémunération à un salarié démuni d’un passe sanitaire pour la période comprise entre le 30 aout et 15 novembre 2021. Outre la limitation dans le temps, cette mesure est applicable uniquement pour « les seuls salariés et agents publics intervenant dans les lieux, établissements, services ou événements dont l'accès est soumis à cette obligation, lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l'exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue ».

 

Même si le passe sanitaire n’est pas généralisé, les sanctions prises par l’employeur peuvent être qualifiées de sanctions pécuniaires illégales par la jurisprudence.

 

En revanche une retenue pour absence ou retard non autorisé proportionnelle à la durée d’absence ou du retard, ne peut pas être considérée comme une sanction pécuniaire.

 

De même, si l’attribution de la prime est conditionnée par un rendement ou un résultat et ce dernier n’est pas atteint, la prime ne peut pas être versée.

 

La mise à pied entrainant l’absence du salarié, qui à son tour peut avoir un impact sur la prime. Celle-ci sera réduite si elle vise à favoriser la régularité et la continuité de présence du personnel au sein de l’entreprise. (Soc.19 juillet 1994, Dr. Trav.1994 n°10).

 

Lorsqu’un salarié n’est pas rémunéré en fonction de rendement, la réduction de son salaire pour baisse de la production s’analyse comme une sanction pécuniaire interdite, a dit la Cour de cassation. (Soc. 7 déc. 1995). De même, la suppression d’une prime de fin d’année, en cas de faute grave, constitue une sanction pécuniaire prohibée qui ne pouvait pas faire l’objet d’une disposition conventionnelle, a précisé la Cour de cassation. (Soc. 20 déc. 2006, JCP S 2007, note b. Bossu).

 

Bien que les sanctions pécuniaires soient d’ordre public et la jurisprudence constitue un avancement en la matière, on ne peut nier qu’il existe toujours une certaine incertitude juridique quant à savoir s’il s’agit d’une sanction pécuniaire illicite ou de la retenue sur salaire justifiée. Une grande prudence s’impose, surtout avec l’entrée en vigueur de passe sanitaire pour certaines catégories des salariés ou agents.

 

 

Inna SHVEDA - Avocat 

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